L’Autorité des marchés financiers a récemment publié une étude sur les Spac, ces véhicules qui facilitent l’entrée sur les marchés boursiers d’entreprises non cotées, très en vogue actuellement.

Les Bourses du monde entier se sont prises d’une nouvelle tocade : les Spac - pour « special purpose acquisition companie », que l’on pourrait traduire en français par « société d’acquisition à vocation spéciale ». À tel point que l’Autorité des marchés financiers (AMF) a décidé d’en faire l’objet d’une étude, rendue publique le 2 juillet 2021.
L’AMF commence par y rappeler le fonctionnement des Spac. Il s’agit d’un véhicule dépourvu d’activité opérationnelle propre, coté sur les marchés financiers et créé uniquement pour lever des fonds en vue de financer au minimum une opération de fusion-acquisition avec une entreprise non cotée et non encore identifiée lors de la cotation du Spac. En l’absence de fusion, le Spac est liquidé à l’issue d’un terme, fixé généralement à deux ans.

Une cotation moins coûteuse et plus rapide

L’avantage de ces « coquilles vides » est que, comme elles n’ont pas d’activité opérationnelle, ni identifié leur(s) cible(s) au moment de leur cotation, leur prospectus d’entrée en Bourse est succinct. Du coup, lorsque le Spac fusionne avec l’entreprise cible non cotée, le processus de cotation de cette dernière est nettement allégé. Résultat : l’opération est moins coûteuse et surtout plus rapide qu’une introduction en Bourse « classique », souligne l’AMF.
Les Spac intéressent également les investisseurs. Comme leurs fondateurs (appelés « promoteurs » ou « sponsors ») sont le plus souvent des professionnels expérimentés et reconnus, le choix des cibles est censé être pertinent et rémunérateur. Aux États-Unis, des financiers émérites, ou même des personnalités du sport et du show business, sont sponsors de Spac, ce qui apporte à ces véhicules une notoriété et un afflux de capitaux.

Des risques de conflits d’intérêts

Tout ceci explique l’engouement croissant pour les Spac. Ces levées de fonds ont représenté 2% des introductions en Bourse Outre-Atlantique en 2014, 18% en 2019 et 20% en 2020, énumère l’AMF. Sur les cinq premiers mois de l’année, 306 Spac américains ont levé 100 milliards de dollars, contre 80 milliards de dollars pour 248 Spac l’an dernier. Si le phénomène est plus récent et moins important en Europe, il ne cesse lui aussi de prendre de l’ampleur : neuf Spac ont levé près de 2,5 milliards d’euros entre janvier et mai sur le Vieux Continent, après moins de 500 millions d’euros pour six véhicules sur toute l’année 2020.
Si l’AMF n’a rien a priori contre les Spac, le gendarme de la Bourse de Paris pointe toutefois les dangers de ces « blank check companies » (littéralement, « sociétés ‘chèque en blanc’ ») comme on les a longtemps appelés aux États-Unis. Le premier est, de loin, celui du risque de conflits d’intérêts. Les Spac sont souvent promus par des gérants de fonds de « private equity » (composés de titres d’entreprises non cotées). Le véhicule peut alors constituer un moyen de céder des sociétés détenues par leurs fonds en les faisant entrer en Bourse.

Un possible durcissement de la réglementation

« D’autres conflits d’intérêts peuvent résulter des différences de traitement des investisseurs, par exemple de ceux qui participent à la fusion par rapport à ceux qui n’y participent pas, ou par rapport aux nouveaux investisseurs (institutionnels) appelés à compléter le financement pour finaliser la fusion, auxquels des conditions préférentielles peuvent être offertes », observe Laurent Grillet-Aubert, auteur de l’étude et économiste « senior » à l’AMF. Le manque de transparence dans la gouvernance des Spac pose également problème.
L’AMF craint aussi que l’essor des Spac, favorisé par l’abondance des capitaux disponibles, les faibles taux d’intérêt des emprunts d’État et la recherche de rendements élevés par les investisseurs, ne débouche sur des bulles spéculatives. D’ailleurs, le régulateur n’exclut pas un possible durcissement des autorités vis-à-vis de ces véhicules, notamment de la part de la Securities and exchange commission (SEC), le superviseur de Wall Street.


Source : https://www.amf-france.org/sites/default/files/private/2021-07/spac_opportunites-et-risques-dune-nouvelle-facon-de-se-coter-en-bourse.pdf