Le mois d’octobre a été marqué par un large regain de volatilité sur les taux souverains, en particulier aux Etats-Unis. La bonne tenue de l’économie américaine ainsi que la proximité des élections présidentielles expliquent la hausse significative des Treasuries (+60bp sur le 5 ans). Les taux européens sont également orientés à la hausse mais dans une moindre mesure (+30bp sur le 5 ans Allemand) du fait de chiffres de croissance en berne. Le resserrement des primes de risque continue (-26bps et -14bps respectivement pour le HY Euro et US) traduisant l’appétit pour la classe d’actif crédit. Cette dernière est toujours portée par les facteurs techniques, notamment l’attractivité des rendements offerts et d’importants flux de souscription.

Faits marquants du mois

Stratégie High Yield

Nous évoquions le mois dernier le « véritable démarrage » du cycle de baisse des taux, il semblerait que la machine s’enraye déjà côté américain. En tout état de cause le marché commence à s’en inquiéter. En effet, la bonne tenue de la croissance américaine et certaines données de consommation supérieures aux attentes pourraient pousser la FED à adopter un discours moins accommodant que prévu. Si pour l’instant les anticipations sont toujours pour une baisse de 25bps du taux directeur, l’augmentation significative des taux souverains pourrait avoir un impact sur ces anticipations. Les taux souverains sont également impactés négativement par la proximité des élections présidentielles et les incertitudes quant au résultat de celle-ci. De notre côté de l’Atlantique, un regain de volatilité des taux souverains a également été constaté. Cependant, la faiblesse de la croissance en Europe a permis de l’atténuer. Les risques de récession (au moins technique) en Allemagne restent présents et devraient convaincre la BCE de continuer son cycle de baisse des taux.

La courbe des taux américaine s’est légèrement aplatie sur les points de courbe 5/10Y avec une augmentation plus forte des taux sur le pilier 5 ans (+60bps) que le 10 ans (+50bps). Même constat en Europe où le 5 ans allemand a bondi de +32bps et le 10 ans allemand a augmenté de +27bps.

Le crédit, et en particulier le High Yield, continue d’être porté par des facteurs techniques puissants. Hormis l’attractivité des rendements offerts (la hausse des taux compensant en partie le resserrement des spreads, les rendements restent élevés), le mois d’octobre a été particulièrement faste en termes de souscriptions. Les principaux ETFs High Yield ont enregistré des semaines records de souscriptions avec : en Europe le plus important flux journalier de tous les temps à +731m€, et aux Etats-Unis le plus important flux journalier depuis novembre 2023 à +1Md$. Malgré des performances nettes de frais en deçà d’un grand nombre de fonds gérés activement, les ETFs continuent de concentrer les flux des investisseurs. Ces flux ont entrainé
une forte demande pour les obligations High Yield expliquant le resserrement significatif des spreads au mois d’octobre (-26bp pour le HY Euro et -14 bp pour le HY US).

Nous notons toutefois une divergence entre les segments de notations entre l’Europe et les Etats-Unis. Si outre-Atlantique le resserrement des spreads a été plus important plus la notation était spéculative, en Europe il y a eu le phénomène inverse : le CCC enregistre un resserrement de spread moindre que le B lui-même moins important que le BB. Cela est à mettre en parallèle de la santé économique de ces deux zones : côté américain, la macro-économie étant toujours porteuse, les investisseurs sont plus enclins à investir dans des sociétés plus spéculatives alors qu’en Europe, il y a une certaine prudence au regard des faibles chiffres de croissance et le segment BB, plus défensif, reste privilégié.

Nous continuons de profiter du marché primaire pour diversifier nos portefeuilles et capter les primes offertes. Nous restons cependant très exigeants quant au niveau de ces dernières. Les primes de risque sur le secteur automobile étant redevenues attractives, en particulier sur le segment BB, nous avons progressivement réduit notre sous-exposition au secteur tout en maintenant un positionnement défensif. Nous avons appliqué la même stratégie sur le secteur de l’immobilier en investissant dans des émetteurs de haute qualité de crédit (IG ou cross-over). Enfin, nous restons prudents sur les secteurs les plus cycliques en n’augmentant pas nos pondérations sur ces derniers. À la suite du fort mouvement de taux, nous avons légèrement augmenté la duration de nos portefeuilles.

La (re)naissance des hybrides US ?

Alors que le gisement des obligations hybrides restait essentiellement cantonné au marché européen avec une taille de gisement de l’ordre de 180Md€, un changement de méthodologie dans la comptabilisation de ces instruments, c’est-à-dire la répartition entre capitaux propres et dettes, vient changer la donne pour le marché américain.
 
En effet, dans le cadre d’une revue méthodologique datant de février 2024, l’agence de notation Moody’s a décidé d’augmenter la part de capitaux propres sur ces instruments à 50% donnant un nouveau souffle aux obligations hybrides aux Etats-Unis, notamment par rapport aux actions privilégiées (« preferred »), ces dernières ne bénéficiant pas de l’avantage fiscal sur la déductibilité des coupons/dividendes payés pour les émetteurs. Pour couronner le tout, les primes de risque des Hybrides Globales Investment Grade Ex-Financières se sont largement resserrées depuis le début de l’année à 176 bps à fin octobre 2024 (contre 250 bps en début d’année, soit -74 bps), impliquant un accès moins onéreux pour les émetteurs d’obligations hybrides.
 
Dans ce contexte, nous avons observé une vague d’émissions d’obligations hybrides d’entreprises en USD avec un montant d’émission record de 24Md$ depuis le début de l’année (soit +24% au-dessus du précédent record de 19Md$ atteint en 2017), avec pour conséquence une augmentation de la taille du marché des obligations hybrides US de +31% par rapport à l’année précédente, à un peu moins de 100Md$. A noter que les émissions ont été principalement effectuées par des émetteurs domestiques (pour près de 90%) contre une moyenne de l’ordre de 55% au cours des 10 dernières années, reflétant le récent changement méthodologique de Moody’s pour les entreprises US. D’un point de vue sectoriel, les Services aux Collectivités et l’Energie sont les deux secteurs dominants représentant désormais 70% du marché US (contre 52% sur le marché européen), cela s’explique par les importants besoins d’investissement (loi sur les infrastructures, centre de données/IA, énergie « propre » …) et la volonté d’optimiser les structures bilancielles pour des émetteurs généralement notés BBB.
 
En conclusion, les obligations hybrides d’entreprises sont désormais une option attractive pour les émetteurs US ayant des contraintes spécifiques en matière de financement et de notation. En tant qu’investisseurs agnostiques en termes de devises, nous nous réjouissons de la croissance du marché US qui nous permet de diversifier nos expositions en obligations hybrides au-delà du continent européen. Bien que les primes de risque des obligations hybrides soient compressées par rapport à la dette senior avec un différentiel de prime de risque hybride-senior de 84 bps à fin octobre 2024 (contre 135 bps en début d’année), nous estimons qu’il existe encore des opportunités à exploiter sur cette classe d’actifs pour bénéficier d’un surplus de rendement tout en restant exposé à un risque de crédit Investment Grade.